Les médecins de la banlieue parisienne craignent une éventuelle crise sanitaire si l'aide médicale du gouvernement est supprimée

François Lhote, chef du service de médecine interne de l'hôpital Delafontaine, à Saint-Denis (banlieue nord de Paris), dans son cabinet, le 27 novembre 2023.

À Saint-Denis, au nord de Paris, les équipes de l'hôpital Delafontaine ont donné leur accord. Supprimer l'Aide médicale de l'État (AME), seule assurance maladie pour les sans-papiers, serait catastrophique. Le Sénat français a voté la suppression de cette disposition lors du débat sur la loi sur l'immigration, mais les députés ont réintroduit la règle avant que le texte ne soit présenté à l'Assemblée nationale lundi 11 décembre.

Cet hôpital public est l'un des hôpitaux les plus touchés par les conséquences d'une éventuelle réforme de ce système d'assurance maladie, qui vise à garantir une protection sociale de base aux étrangers sans papiers présents dans le pays depuis plus de trois mois. Et pour cause : à Delafontaine, département le plus pauvre de France métropolitaine, 8 % des patients sont assurés par l'AME, contre environ 0,5 % dans les autres établissements. Que se passera-t-il si ces migrants ne sont plus assurés demain ?

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Sans l'AME, les personnes sans assurance maladie se tourneront de plus en plus vers les hôpitaux, alors qu'aujourd'hui elles peuvent consulter des médecins de ville comme n'importe quel autre assuré. Certains renonceront également aux soins médicaux au risque d’aggraver leur état et dépendront finalement du système d’intervention d’urgence. A terme, les frais occasionnés par ces patients seront supportés uniquement par l'hôpital, qui ne sera pas remboursé par l'assurance maladie et dont le déficit va s'accroître.

Augmentation de 15% du taux de mortalité en Espagne

En Espagne, où un système similaire à l'AME a été supprimé entre 2012 et 2018, une étude a montré qu'au cours des trois premières années sans cette aide, le taux de mortalité parmi les migrants illégaux a augmenté de 15 %. « Supprimer l'AME risquerait de déstabiliser notre modèle économique » ou de compromettre le protocole de soins, a prévenu Jean Pinson, directeur du centre de santé de Saint-Denis, dont fait partie l'hôpital Delafontaine. « L’AME nous permet d’orienter les personnes vers un parcours de soins standard, moins coûteux pour la communauté et plus efficace pour elles.

Contrairement à ce constat, le Sénat, dominé par la droite et le centre, a voté en faveur de l’abolition du système dans le but de « lutter contre la fraude » et de « freiner la tendance à la hausse des dépenses de l’AME ». En 2022, les dépenses de l'AME se sont élevées à 1,186 milliard d'euros, soit 0,5% des dépenses totales d'assurance maladie, pour environ 411 364 bénéficiaires.

Le Sénat avait prévu de remplacer l'AME par une aide médicale d'urgence (AMU), limitée à la prise en charge des soins de grossesse, des vaccinations obligatoires, des examens préventifs, des maladies graves et des soins d'urgence, « dont l'absence serait « Dans l'esprit des gens, si vous n'avez pas besoin de soins urgents et vitaux, vous êtes dans votre zone de confort », a déploré Pinson. « Mais les soins chroniques prodigués à un patient séropositif ou à une victime d'un accident vasculaire cérébral ne sont pas des soins de confort. »

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Onfroi Séverin

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