Qu’est-ce qu’ils ont en commun? Michel WellbeckLe Teson sylvestre Et Jean Moss; Il y a des évidences : trois intellectuels français, trois talents, trois têtes de gondoles littéraires en France.
Et il y a la zone grise la plus surprenante : tous les trois avaient – ou ont – des liens intellectuels étroits avec le extrême droite. C’est du moins la preuve que François Krug tente de prouver dans son livre de recherche réactions françaises. Étude des droits intellectuels qui a été publié par Édition du Seuil. A coups d’anecdotes, d’extraits de reportages inexorables ou de rencontres, le journaliste français dresse le portrait d’une génération qui s’est alliée à des extrémistes de droite ouvertement, tantôt par pure combativité, tantôt par conviction profonde.
Quel a été votre point de départ pour cette recherche ?
« Je suis très engagé dans l’extrême droite, c’est une famille politique que je trouve intéressante, surtout en France en ce moment. Et je trouve que l’aspect culturel de l’extrême droite est souvent sous-estimé : les personnages, les intellectuels un peu incompris. Il y a trop de tendances à confiner l’extrême droite en France à la famille Le Pen ou à l’Alarme nationale. Aussi, bien que je trouve cela un peu pompeux, je suis un journaliste « d’investigation », travaillant souvent sur des sujets politiques ou économiques. Et j’ai toujours été tenté de faire quelque chose dans le milieu culturel, dans le milieu littéraire, parce que c’est un domaine qu’on ne regarde pas assez souvent pour faire des recherches en France, ou on pense qu’il n’y a rien à « cacher ».
« Welbeck est suspendu, Moss sur scène, Tesson en haute mer », écrivez-vous dans l’introduction. Comment avez-vous trouvé ces trois auteurs ? Pourquoi elle?
« Ils incarnent trois genres d’écrivains très différents. Ils n’ont pas la même place dans le paysage littéraire, dans le paysage médiatique, pas du tout. Mais j’avais des anecdotes sur les trois et il s’avère qu’ils ont commencé en même temps et ces trois personnages m’ont permis de parcourir 30 ans d’histoire. Ils ont tous commencé à sortir au début des années 90. Et c’est aussi le moment où l’extrême droite commence à être prise au sérieux en France. »
D’autres noms connus apparaissent sur les pages : Thierry Ardisson, Frédéric Beigbeder, Frédéric Taddei… N’ont-ils pas franchi la « ligne brune » ?
« Bien sûr, il y a beaucoup d’écrivains issus de familles réactionnaires, tous issus du même milieu parisien à la mode du début des années 90. Où, pour le dire de manière si caricaturale, c’était cool d’être réactionnaire. Toute la génération précédente était à gauche. Mais quand ils ont commencé c’était un peu plus punk, disons qu’on adorait Céline et qu’on lisait parfois en secret les co-auteurs.
Welbeck, Moss et Tesson utilisent leur qualité d’écrivains pour intervenir dans le débat public. »
À un moment donné, vous vous rabattez sur des éléments qui ont toujours été publics. Sauf que personne n’a jamais voulu les déterrer ou les exposer aussi directement. Comment expliquer ce formulaire ?
« Pudeur » autour de ces trois auteurs ? Parce qu’ils sont populaires ? Parce qu’on ne mélange pas littérature et politique ?
« Une question de pudeur, de respect. C’est une vieille tradition française de respecter les écrivains et de ne pas vouloir les confondre avec la politique. C’est vulgaire, et puis on ne les dérange pas, les artistes ont le droit de dire ce qu’ils veulent… Sauf que Welbeck, Moss et Tesson usent de leur statut d’écrivains pour se mêler du débat public. Et nous pouvons tenir tête à quiconque s’immisce dans le débat public. Le discours de Welbeck est devenu si rare qu’il est remis en cause. Politique est son entretien avec Michel Onfray, dans lequel il évoque de futurs « zones entières sous contrôle islamiste », dans lequel il entrevoit « des attentats et des fusillades dans des mosquées ». Jan Moss était un chroniqueur de longue date du talk-show le plus populaire du samedi soir en France, écrit l’éditorial. Sylvain Tesson, plus en retrait, devient très militant pour la cause chrétienne orientale, largement relayée par l’extrême droite. Il faut être capable d’expliquer d’où viennent leurs idées et pourquoi ils peuvent dire des choses comme ça. »
Les écrits antisémites de Moss sur sa jeunesse sont bien documentés. Qu’est-ce qui vous a le plus surpris dans votre recherche ?
« Au début, je suis parti de ce que je savais de Welbeck. On m’a beaucoup parlé de ses relations avec des personnes proches de l’Action française (école de pensée nationaliste d’extrême droite, catholique, antisémite et royaliste). Et pourtant il était connu sans être connu. J’ai cherché dans la bibliothèque les vieux journaux royaux qu’il avait trafiqués, en découpant des morceaux et en les assemblant pour raconter une histoire.
Pour Jan Moss, qui a tendance à minimiser fortement son implication dans ce fanzine notoirement antisémite, j’ai trouvé intéressant de détailler le contenu des soi-disant « blagues » qui sont particulièrement violentes. Et il est également intéressant de souligner que des années plus tard, l’ancien partenaire avec qui il a écrit ce fanzine a également co-écrit le scénario du film Podium. Qu’il a signé une résolution avec Dieudonné, Soral, Faurisson. Contrairement à ce qu’il a dit aux médias, ce n’est pas une folie juvénile qui a duré un moment. Il est resté très longtemps ami avec des gens controversés.
Mais ce qui m’a le plus surpris, c’est clairement le cas de Sylvain Tesson. Et cette affaire m’a valu le plus de réactions et d’insultes. Il est devenu une sorte de totem intouchable de la littérature française. Il a toujours séduit les lecteurs de gauche comme de droite : des lecteurs de « Kosmos » à ceux de « Werte der Zeit ». Qui peut être contre les problèmes qui le préoccupent ? La beauté de la forêt, de la montagne, la protection des animaux… Je pense que cela correspond à ce que le public et la société attendent de l’autre, l’exotisme, la nature dans la littérature. Mais c’est intéressant de savoir d’où ça vient. J’ai été très surpris de le voir à l’enterrement de Jean Raspail où j’allais travailler. Il s’agit d’un écrivain dont il a toujours été très proche. Mais Jean Raspail a écrit Camp Saints, un roman clairement d’extrême droite. Un roman qui raconte les trois côtés de la race blanche, un roman raciste. Tesson inclut également des phrases de Raspail dans ses livres pour lui rendre hommage… Il a également fait ses débuts sur la radio d’extrême droite Radio Courtoisie. En 2021 il y retournera pour une interview sur Homère. Il rencontre Alain de Benoist, le principal représentant de la « nouvelle droite », qui fait partie de l’extrême droite.
Ce que vous prouvez en énumérant tous ces faits, c’est que rien n’est une coïncidence. Les accointances des trois auteurs avec l’extrême droite perdurent tout au long de leur parcours.
« Exactement. L’exemple parfait, c’est Welbeck. Il s’apprête à sortir un film d’horreur sur les femmes voilées, on l’excuse, on dit qu’il en fait trop quand il boit de l’alcool. Mais la deuxième fois, la troisième fois, c’est quand même des Conneries ou l’idéologie réelle de la personne ? Et donc il y a une ligne directrice. Dans l’ensemble, ce que je décris à propos de ces auteurs est un fait connu. Mais des faits qui ont été négligés, personne n’a vraiment examiné la question. Je voulais que le livre soit structuré comme un séquence de scènes afin que les lecteurs puissent aller dans les coulisses et voir par eux-mêmes. »
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