Que se passe-t-il vraiment en France ? La presse système grecque est muette sur le premier tour des élections françaises. Hormis la simple annonce des résultats, peu de choses ont été dites ou écrites. Qu’est-ce qui vous fait tant peur en France ?
Mais reprenons les choses depuis le début. Depuis 20 ans, les élections législatives succèdent aux élections présidentielles tous les cinq ans afin d’éviter le phénomène de « cohabitation », c’est-à-dire l’émergence de majorités différentes à la présidence et au parlement, perçues comme dysfonctionnelles. Il faut donc s’attendre à ce que la dynamique générée par l’élection présidentielle se répercute inévitablement sur les législatives. Cependant, ce n’était pas le cas lors de ces élections.
En face du parti présidentiel « Ensemble ! » (Ensemble !) Une nouvelle alliance de partis de gauche a émergé : des socialistes, du Parti communiste français, des écologistes au parti de Melanson, LaFranceinsoumise, surnommée la Nouvelle Union Populaire Ecologique et Union Populaire Socialiste (NU., Ecologiqueet Social) ou NUPES dès les premières lettres des mots.
Dirigée par Melanson, troisième lors de la récente élection présidentielle avec 21,95 %, elle a pris un élan impressionnant, apparaissant dans les 577 circonscriptions à travers le pays avec des appels à une retraite de 60, augmentant le salaire minimum à 1500 par mois, l’inclusion dans la constitution, « vert « , sortie du nucléaire, contrôle des prix, sécurité sociale à 100%, réintégration de la police, plafonnement des loyers, augmentation des impôts directs, etc.
Les résultats du premier dimanche 12 juin ont été impressionnants :
Le parti du président Macron a obtenu 25,75%, seulement 0,11% de plus que 25,66% de la NUPES ! Sur le fond, on peut parler d’une égalité entre les deux premiers partis, sans précédent depuis 20 ans.
Quelles conclusions sont tirées:
- Tout d’abord, le grand gagnant est l’abstention. Il atteint 52,51 %, battant le record de 51,3 % établi en 2017. La majorité des Français ne croient pas que les élections puissent changer leur vie.
- Lepen a augmenté ses pouvoirs par rapport à 2017 : de 13,2 % il est passé à 18,67 % et il peut désormais espérer former un groupe parlementaire (il lui faut 15 députés, alors qu’en 2017 il n’en avait que 8).
- La distinction gauche-droite est ravivée de la manière la plus intensive. Macron n’était pas convaincu de la nature bipartite de sa présidence et sera désormais contraint de glisser vers des positions de plus en plus à droite avant le second tour. Car même si son parti est premier (ce qui est le plus probable), les estimations sont de 255 à 280 sièges, pour une majorité absolue il en faut 289. Cela veut dire qu’il se tournera vers le parti de droite Lesrépublicains, qui est en première position. tour a reçu 11,31%. Il doit donc trouver un terrain d’entente avec eux. Les coups de poing de la gauche tenteront de sécuriser sa droite.
- Les Français n’ont jamais aimé Macron. Macron se montre de plus en plus populaire à l’extérieur et au-delà des frontières. C’est l’aversion pour Le Pen qui a une fois de plus conduit toutes les forces démocrates derrière le président sortant, mais sans enthousiasme. Sinon, ils l’accusent d’arrogance, d’analgésie, d’autoritarisme. Le mouvement des « gilets jaunes » se serait poursuivi si la pandémie et le confinement n’avaient pas eu lieu. Mais le malaise de la société française est omniprésent à mesure que son éloignement de la politique grandit.
Avec ces données, la question est de savoir ce qui se passera dimanche. Dans plus de 60 circonscriptions nous aurons un duel entre un représentant de l’Union NUPES et le parti de Le Pen. C’est le cas par exemple dans la Sarthe, où Marietta Karamanli, d’origine grecque, descend avec l’Union contre le parti d’A. Furet von Lepen.
Extrêmement problématique, c’est qu’il a fallu près d’une demi-journée au parti au pouvoir pour commenter la ligne qu’il adoptera dans ces affaires. Des excuses scandaleuses ont été entendues le soir des élections, comme la porte-parole du gouvernement Olivia Grégoire affirmant qu’il s’agissait d’affrontements locaux sans enjeu national ! Ou encore la Première ministre Elisabeth Borne, qui a dénoncé les deux extrêmes ! D’autres parlaient de soutien… au cas par cas.
Heureusement, la porte-parole du gouvernement le matin du 13 juin. a fait une déclaration claire : nulle part où voter pour le parti de Lepen.
La bataille du 19 juin sera une bataille difficile à tous les niveaux. La bataille principale est contre l’abstention. Si la gauche a un espoir de renverser les prévisions, c’est en faisant venir aux urnes les citoyens qui n’ont pas voté au premier tour.
Quel que soit le résultat, nous devons emporter avec nous le positif des élections françaises, que la gauche a réussi à parler sans barrières et à s’accorder sur un programme commun. Malgré ses faiblesses ou le manque de traitement de bon nombre des positions qu’il contient. Et nous devons garder cela comme une leçon.
L’espace progressiste, le socialisme, la gauche, l’écologie doivent aussi trouver un terrain d’entente dans notre pays. Contre les alliances contre nature ou les compromis opportunistes. Avec lucidité, courage et prévoyance. Contre ceux qui nous disent qu’il n’y a ni gauche ni droite, ou que ce qui compte c’est l’efficacité, pas la politique. Parce que la politique était, est et sera présente. Servons-le bien.
(Marilena Koppa est professeure associée de politique comparée à l’Université Panteion, membre du conseil d’administration de l’IDIS)
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