« A l’avenir, nous devons redécouvrir les moyens de stabiliser nos relations sur la base de la sécurité mutuelle et de la coopération d’intérêt mutuel »
L’une des personnalités les plus influentes en France pour l’analyse des relations internationales, des membres fondateurs du Parti de la gauche européenne, député européen du KKG de 1979 à 2009, aujourd’hui député européen honoraire et membre du comité exécutif. de l’Institut des relations internationales et stratégiques, Francis Wirtz, les nouvelles données générées par la guerre de l’Ukraine contre une Europe « financièrement et stratégiquement » perdue, massivement réarmée et servilement alliée aux États-Unis, décryptent le retour de l’OTAN dans le « Conflit » est un effroyable complexe cas, mais l’inévitable obligation de créer une paix durable.
L’ordre mondial est restauré par la guerre en Ukraine. Quelles sont ses nouvelles fonctionnalités ?
L’invasion russe de l’Ukraine et le vécu de l’opinion publique de nos pays à travers les images de l’extrême brutalité de cette guerre ont offert à « l’Occident », mené par les USA et tous ses alliés, anglo-saxons et européens, une chance historique pour les militaires, politiques, de renforcer considérablement l’hégémonie économique et idéologique. C’est un tournant. L’OTAN continue de s’étendre, y compris les anciens pays officiellement neutres. Pire, elle a acquis une nouvelle légitimité auprès de larges couches du public qui remettaient auparavant en question son utilité.
Certains gouvernements, comme l’Allemagne, qui a longtemps évité les dépenses militaires, peuvent-ils utiliser la force pour rompre avec les traditions pacifiques de leur peuple ? Ainsi, une nouvelle vague de militarisation se déroule à travers l’Europe. L’approvisionnement en masse d’armes dans un pays déchiré par la guerre revient à la normale. L’Europe revient à une focalisation servile sur Washington, une attitude qui a quelque peu irrité l’expérience Trump. Malheureusement, oui, nous vivons dans une reconstruction de l’ordre mondial. Ou plutôt, un revers amer ! Il faudra beaucoup de réflexion politique, de pédagogie et de mobilisation pour espérer sortir de ce piège que l’on doit à l’aventure sanglante de Poutine !
La guerre est revenue en Europe avec la menace nucléaire. Certains parlent d’une nouvelle guerre froide. Est-ce vrai?
La situation actuelle n’est pas comparable à la guerre froide dans la mesure où il y a une Russie capitaliste face à l’Occident capitaliste, qui soutient une Ukraine capitaliste ! Mais il s’agit en fait d’un affrontement entre deux blocs rivaux et concurrents. Heureusement, certains pays non négligeables, représentant la majorité de la population mondiale et refusant à juste titre d’endosser la stratégie du Kremlin, ne sont pas servilement alliés à Washington.
Ils veulent un monde pluraliste et non une « logique de camp » dont les membres doivent soutenir leur seigneur féodal. Comme l’ont montré les votes de l’Assemblée générale de l’ONU le 3 mars. Nous parlons de la Chine, qui a souligné que « la crise ukrainienne n’est pas quelque chose que nous voulons voir », mais n’a pas reculé devant les États-Unis. Cela vaut également pour des puissances comme l’Inde ou de nombreux pays africains. N’oublions pas la prise de position de Lula, qui a durement critiqué la stratégie de Biden, ainsi que celle du pape argentin, qui a stigmatisé les « aboiements » de l’OTAN contre la Russie.
Cette guerre a provoqué des hauts et des bas en Europe. Dans quelle mesure peut-on parler d’Europe de la défense ?
Actuellement, la plupart des pays de l’UE augmentent considérablement leurs dépenses militaires. Ils avaient déjà recommencé leur rééquipement, en hausse de 19 % entre 2017 et 2021, mais l’électrochoc du 24 février leur a donné l’occasion d’un nouveau saut de vitesse. La France, par exemple, qui avait déjà prévu un budget d’armement de 40,9 milliards d’euros pour 2022, a décidé « d’amplifier » cet effort ! Mais rien de tout cela ne créera une « Europe de la défense ». La preuve en est que nombre de ces pays sont pleinement engagés dans l’OTAN, fournissant des armes fabriquées aux États-Unis comme le F-35 !
La phrase de Macron sur l’OTAN en « mort cérébrale » est bien connue. Aujourd’hui, l’alliance a été relancée. Que signifie ce développement ?
La phrase de Macron a eu le mérite de lancer un débat utile sur le fait que l’Otan n’était pas en phase avec la situation actuelle, qu’elle n’avait pas le droit d’exister. Cette discussion est maintenant entièrement close. Macron, d’ailleurs, est vite revenu sur le déclenchement de la guerre ! Aujourd’hui, estime-t-il, le conflit russo-ukrainien offre à l’alliance une clarification stratégique qui la ramènera à ses points de départ contradictoires. Développement catastrophique !
Dans son discours sur l’avenir de l’Union européenne à l’issue de la réunion, le président Macron a évoqué la nécessité de revoir les traités. Mais dans quelle mesure cette perspective peut-elle être réaliste compte tenu de l’UE. Le grand perdant du jeu géopolitique contre les États-Unis, la Russie et la Chine dépend-il plus que jamais de Washington ?
Réellement! Si les États-Unis apparaissent désormais comme les grands gagnants du revirement dont j’ai parlé au début de notre conversation, l’UE est perdante, financièrement et stratégiquement. Elle se veut une « Europe géopolitique » et met l’accent sur son « autonomie stratégique », mais avec la guerre elle devient vassale des États-Unis. Les nouveaux accords gaziers avec Washington en disent long. La gamme sans précédent de sanctions contre la Russie conduit à la rupture des relations avec ce pays. Mais, comme le prévenait à juste titre un chercheur français, en vain : « Si rompre les liens est facile, c’est un processus long et difficile de les renouer. » Ainsi, la plus grande dépendance de l’Europe vis-à-vis des États-Unis se poursuit. Et c’est une triste nouvelle.
Quelle pourrait être la sortie de guerre ? Un compromis de Kyiv, avec la concession de territoires, comme l’a dit Kissinger, suffit, puisque nous parlons d’un conflit entre l’Occident, les États-Unis et l’UE. avec la Russie et la Chine ?
Un cessez-le-feu et des pourparlers de paix sont nécessaires dès que possible. Avec quel résultat ? Personne ne peut dicter aux Ukrainiens les termes du compromis qu’ils doivent faire. Au contraire, les chefs d’État et de gouvernement de tous les pays de l’UE doivent le faire. est de tenir compte d’une réalité durable dans sa stratégie vis-à-vis de Moscou. La Russie est et restera notre grand voisin. Il est inimaginable de rester dans un conflit subliminal avec elle.
A l’avenir, nous devons redécouvrir les moyens de stabiliser nos relations sur la base de la sécurité mutuelle et de la coopération d’intérêt mutuel. Donc couper tous les ponts avec Moscou aujourd’hui ou investir dans l’effondrement du pays n’est peut-être pas la solution. La grave erreur a été qu’avant le conflit, nous n’avons pas travaillé à temps pour normaliser nos relations. Pendant quinze ans, j’ai soutenu la tenue d’un grand sommet paneuropéen sur la sécurité et la coopération, aboutissant à un traité parrainé par les Nations unies. Le président russe Dmitri Medvedev a fait une proposition similaire en juin 2008 à Berlin.
Il n’y avait pas de conflit russo-ukrainien à l’époque, mais des tensions croissantes entre l’Ouest et l’Est, avec des élargissements successifs de l’OTAN et d’autres initiatives occidentales que la Russie considérait comme déstabilisantes. Une telle réunion aurait alors apaisé l’atmosphère et souligné le principe fondamental selon lequel chaque Etat partie s’engagerait, pour sa propre sécurité, à s’abstenir de toute initiative qui porterait atteinte à celle de tout autre Etat partie à ce Traité.
Un autre principe de base d’un tel traité est bien sûr le respect de la souveraineté de chaque pays et donc l’exclusion de toute attaque contre un autre Etat ! Aujourd’hui, cette foutue guerre a tout changé. le sang a été versé. la haine s’est calmée. Construire une paix durable sera une question d’une complexité redoutable, mais aussi une obligation incontournable. Nous devons faire tous les sacrifices pour mettre fin à cette guerre, travailler pour répondre à ce besoin vital pour les générations futures.
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