La vive polémique politique autour de la décision pour Dimitris Lignadis, comme précédemment pour Novartis, ne sert ni la justice ni la vérité
Le 15 mai 2011, un économiste qui dirigeait le Fonds monétaire international et rêvait de devenir président de la France a été dramatiquement arrêté dans son avion en provenance de New York, photographié en train d’être conduit au ministère menotté et accusé de tentative de meurtre et de viol de une femme de ménage. Il s’appelait Dominique Strauss-Kahn. Et l’affaire a été réglée un an et demi plus tard avec un règlement à l’amiable qui aurait rapporté 6 millions de dollars à Nafisatou Diallo.
Strauss-Kahn a ensuite été jugé dans une autre affaire d’orgies impliquant des prostituées dans un hôtel de luxe à Lille. Les déclarations faites par certains d’entre eux sur la façon dont l’accusé les a traités étaient choquantes. Mais en juin 2015, DSK a été acquitté de l’accusation de proxénétisme. Il n’est pas devenu président de la France, sa (troisième) épouse l’a quitté, mais il s’est remarié et a obtenu un poste de conseiller auprès des gouvernements et des banques.
Que s’est-il passé au Sofitel ? La justice n’a pas tranché. Que s’est-il passé à Carlton ? Des choses dégradantes, mais pour lesquelles les victimes ont été payées. Après tout, qu’est-ce que Strauss-Kahn, un intellect incompris ou un monstre impitoyable ? Chacun peut avoir son opinion, les tribunaux ont été appelés à juger. Leurs décisions sont-elles convaincantes ? Peut-être oui, peut-être pas, mais sans confiance dans le pouvoir judiciaire et ses fonctions, une démocratie ne peut pas fonctionner.
La polémique politique féroce autour de la décision pour Dimitris Lignadis, comme précédemment pour Novartis, ne sert ni la justice ni la vérité. La critique est certes légitime et utile. Le rôle du jury et les pressions émotionnelles de l’opinion publique peuvent conduire à des débats intéressants, qui à leur tour peuvent conduire à des changements dans le système judiciaire ou à des modifications de la loi. Mais la dispute sur qui protège Lignadis, à quels jeux joue son avocat et quel parti a introduit telle ou telle loi ne fait que saper la confiance des citoyens dans les institutions.
Il est vrai qu’il y a une contradiction logique entre condamner un homme pour double viol d’enfant et le libérer dans l’attente d’un procès au second degré. C’est pourquoi le chef du parquet est intervenu. Mais il y aura une « contradiction » encore plus grande dans le cas hypothétique où cet homme serait finalement acquitté. Tout le monde sera-t-il alors convaincu que justice a été rendue ? Bien sûr que non. Beaucoup croiront encore qu’il a violé des enfants, alors beaucoup pensent maintenant qu’il a été victime d’une arnaque. Mais les décisions sont prises par les tribunaux, pas par les cafés ou les émissions de télévision.
Et rappelons-nous toujours que personne n’est coupable jusqu’à sa condamnation définitive.
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