Par Ivan Krastev et Mark Leonard
Au cours des semaines et des mois qui ont suivi l’invasion de l’Ukraine, les Européens ont surpris à la fois Poutine et eux-mêmes par leur unité et leur détermination.
Les sociétés européennes post-héroïques, scandalisées par l’agression russe et fascinées par la bravoure ukrainienne, ont été le moteur du virage inattendu de l’Europe. Ils ont inspiré leurs gouvernements à adopter un changement à une échelle historique.
Ils ont ouvert leurs maisons à des millions de réfugiés. Ils réclamaient des conditions économiques difficiles. Et ils ont forcé les entreprises occidentales à quitter la Russie dès que possible.
Alors que les «moments européens» précédents étaient marqués par le drapeau européen mobilisant des personnes en dehors des frontières de l’Union européenne (y compris l’Ukraine), cette fois le drapeau ukrainien a mobilisé des personnes à l’intérieur de l’UE.
Les Européens ont découvert qu’il s’agit d’une force plus sérieuse qu’on ne le pensait auparavant. Le commentateur respecté Moises Naim a affirmé que « l’Europe a découvert qu’elle est une superpuissance. » Mais alors que la guerre approche de son cinquième mois, l’unité européenne durera-t-elle ?
L’ECFR a mené une enquête à l’échelle européenne dans 10 pays pour trouver des réponses à ces questions. L’enquête a été menée à la mi-mai – une période où les citoyens ont eu la chance d’absorber le choc de l’invasion.
Le débat public s’est déplacé des événements sur le champ de bataille vers des questions sur l’issue du conflit et son impact sur la vie des gens, leurs pays et l’UE.
C’était aussi une époque où les Européens prenaient beaucoup plus conscience des conséquences économiques et sociales mondiales de la guerre : inflation élevée, crises énergétique et alimentaire. Ce sondage documente la résilience des citoyens européens, pas seulement leur colère face à la guerre de Poutine.
Les quelque 8 000 personnes qui ont participé à l’enquête venaient de toute l’Europe. Les pays étudiés étaient la Pologne et la Roumanie – des États de première ligne en Europe centrale qui se sont traditionnellement méfiés de la Russie.
Aussi la France, l’Allemagne et l’Italie – de grands pays d’Europe occidentale qui avaient auparavant acquis la réputation de comprendre la Russie. Portugal et Espagne – Pays d’Europe du Sud qui ont généralement été moins impliqués dans la politique russe dans le passé. Finlande et Suède – pays d’Europe du Nord qui ont demandé à rejoindre l’OTAN à la suite du conflit. Et la Grande-Bretagne.
Les résultats de l’enquête indiquent que l’opinion publique en Europe évolue et que des difficultés nous attendent. La résilience des démocraties européennes dépendra largement de la capacité des gouvernements à maintenir le soutien public à des politiques qui finiront par infliger des souffrances à divers groupes sociaux.
Cela obligera les gouvernements à trouver un équilibre entre la pression pour l’unité européenne et la pression sur Moscou, avec des points de vue divergents à la fois au sein des États membres et entre eux. L’enquête montre un écart croissant entre les positions exprimées par de nombreux gouvernements européens et l’opinion publique dans leur pays.
Un gouffre énorme se dessine entre ceux qui veulent mettre fin à la guerre le plus tôt possible et ceux qui veulent que les combats se poursuivent jusqu’à ce que la Russie soit vaincue.
Vous pouvez voir le texte ici : https://ecfr.eu/publication/peace-versus-justice-the-coming-european-split-over-the-war-in-ukraine/
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