©Marilena Anastasiadou
Les chaises blanches sont alignées sur la place. Une forte lumière baigne la scène et les acteurs prennent leurs positions. Le public se lève Christos Stergioglou, le meneur de la danse, et entreprend d’en faire le prologue à sa manière singulièrement flegmatique. Il nous remet dans le sens de ce que nous allons voir, il souligne le caractère ironique de l’œuvre de Jean Anouille qui cultive l’ambiguïté. Il prend place entre les acteurs, qui sont alignés et regardent directement le spectateur et n’ont aucun contact les uns avec les autres. Avec le Maria Protopapa dans le rôle de Trofo, et avec les interventions qu’elle fait sur scène en tant que metteur en scène, à la fois verbalement et par la langue des signes (utilisée seulement au début, sans qu’on comprenne pourquoi), On sent que les visages que nous avons devant nous sont là pour « jouer » la tragédie de Sophocle « Antigone » comme des descendants du genre.
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Anouille a écrit et réalisé Antigone pendant l’occupation allemande de la France, et son intention, dit-il, était d’attaquer astucieusement le nazisme afin que les Allemands ne le comprennent pas. Et comme l’histoire l’a montré, ils ont réussi, car non seulement ils ont permis la représentation, mais ils n’ont pas non plus dérangé l’auteur par la suite. Son Antigone, suite à son désir de désobéir aux ordres du roi et d’enterrer son frère mort, représente la résistance et exprime la lutte contre l’État autoritaire, l’opportunité à naître de l’action politique. Il se heurte au roi Créon dans un délicieux bra de fer de conflits. Très bonne débutante Electre BarutaAvec beaucoup de chaleur et d’émotion, elle rend le discours de la jeune Antigone et l’idée de Maria Protopapa de partager le rôle avec elle et de faire monter sur scène une héroïne plus mature, plus confiante dès le milieu de la représentation, avec un discours lourd, est magnifique. Grâce à ce choix, on a le plaisir de profiter de sa profondeur interprétative dans la scène où elle se dispute avec Créon, joué par l’aimant Yannis Tsortekis, ce qui augmente l’énergie du spectacle. L’ivresse d’une force défaillante est captée lorsqu’il sirote une bière, mais aussi à travers son énergie dans des moments d’immobilité absolue. Tsortekis éclaire les aspects du tragique, rend les mots très clairs et significatifs, et – le plus surprenant – il y a des moments où il « justifie » la règle rigide à nos yeux et pose des questions devant une Antigone qui se sacrifie, une garde (Dimitris Margaritis), montrant tous ses traits humains et un Aemon confus (Dimitris Mamios).
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Maria Protopapa, avec ce spectacle dont le thème central (la lutte entre le texte légal et la volonté personnelle) est directement lié à « Antigone » de Sophocle, présente leur lecture originale, moderne et consciente de la mise en scène. Le résultat a un beau rythme, soulignant le prestige du classique et révélant les angoisses philosophiques, idéologiques et psychologiques de Jean Anouille. En même temps, il parvient à communiquer directement avec le spectateur à travers les décors et costumes sémiotiques d’Eva Nathena, dans lesquels les acteurs sont comme des fantômes et des marionnettes/cadavres, victimes d’une guerre, gisent devant eux.
La confrontation de l’homme au pouvoir et la valeur du sacrifice émergent de la transcription du célèbre mythe d' »Antigone » de Sophocle, dans une version qui développe son approche metteur en scène.
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