Eric Zemur : qui est le journaliste et homme politique candidat à la présidence française ? Qu’est-ce qui explique sa popularité ?
LA Eric Zémur n’est pas nouveau dans le débat public France. Il a travaillé comme journaliste pour des journaux à fort tirage comme le Quotidien de Paris et le Figaro, tout en participant à des talk-shows télévisés à grande audience depuis 2000. Ses essais sur la masculinité (et contre le féminisme moderne), sur l’islam et sur la nécessité pour la France de retrouver ce que Zemur croit avoir perdu – sa souveraineté nationale – ont eu beaucoup de succès. Comme ses idées ressemblaient à celles du rassemblement de Marine Le Pen, il a longtemps semblé qu’il trouverait une place aux côtés de Le Pen dans sa décision d’entrer en politique. Mais depuis plus d’un an, ivre de la grande publicité – tout le monde a affaire à lui -, il a décidé de suivre son propre chemin : même s’il n’a pas encore déclaré officiellement sa candidature aux élections présidentielles de mai, il est dès l’instant, à son arrivée, explique qu’il est soumis à des restrictions d’exposition médiatique.
Zemour, 63 ans, est issu d’une famille algérienne franco-juive installée en France après la guerre d’Algérie : il se décrit comme un Français d’origine berbère. Élevé dans les banlieues populaires et les quartiers populaires de Paris, il a étudié les sciences politiques – sans mention – et a travaillé pour des magazines et des journaux allant du centre à la droite chrétienne. Durant toutes ces années, il s’est fait remarquer en raison notamment de son attitude envers les musulmans, qui lui a valu plusieurs procès pour racisme et incitation à la haine raciale. Ces procès, considérés par beaucoup comme une restriction de la liberté d’expression, ont accru sa popularité. Parallèlement, dans ses articles et ses livres, il critique le mouvement de droite à gauche de Jacques Chirac, l’idéologie antiraciste, les féministes, l’héritage de mai 68 qui, selon lui, a créé une sorte d’humeur suicidaire en France. Dans le même temps, Zemur a présenté à la télévision une version de l’histoire de France qui a apaisé beaucoup de l’ancienne droite : il nie que les dirigeants français aient collaboré avec les Allemands, il loue Napoléon – que le mouvement du politiquement correct a dénoncé – et alimente une image de la grandeur française que les Français doivent pouvoir reconquérir.
Sa logique est la suprématie française « type gallo-bonapartiste », l’assimilation totale des étrangers, la fin de l’immigration, la sortie de la France de l’UE (il ne le dit pas ouvertement mais le sous-entend), la révision de l’histoire, qu’il croit écrite unilatéralement par la gauche, et le respect des valeurs culturelles Tradition. Il ne parle pas d’économie et, contrairement à Marine Le Pen, n’utilise pas d’arguments populistes à caractère économique : ses arguments sont dans le domaine des infrastructures ; il parle souvent du grand changement démographique et comme celui de Viktor Orbán, la Hongrie ne se conforme pas aux contrôles européens. Zemur admire les « grands hommes », insiste sur l’État-nation, craint le déclin qu’il voit venir rapidement, et propose une sorte de darwinisme social. Bref, il est le conservateur français par excellence des années 1950.
Ses ennemis le rendirent célèbre ou notoire à volonté. En le traitant de fasciste et de « dangereux », ils lui attribuent une influence qu’il n’a peut-être pas : la peur de l’éternel retour du fascisme crée des monstres. La vérité est que Zemur choque ceux qui sont facilement choqués : il prétend que la Révolution française de 1789 a engendré le néolibéralisme, l’individualisme et l’œcuménisme – « les maux du progressisme » – et l’idéologie de la diversité raciale, ethnique et religieuse qui est taboue pour la France, a explosé. De manière générale, il doit son succès – il recueille actuellement 18 % des intentions de vote – à sa rhétorique sans complaisance et, comme je l’ai dit, au formidable tapage de ses adversaires.
Sa différence avec Marine Le Pen, du moins jusqu’à présent, est qu’il soutient l’ancienne droite, tandis que Le Pen évite le rapprochement explicite des deux principales factions et insiste sur des mesures populistes, souvent « de gauche », dans l’économie. Zemur semble plus proche de la nièce de Marine Le Pen, Marion Marechal, qui est plus concentrée que Marine Le Pen sur la guerre ethno-religieuse de faible intensité qu’elle voit en France entre Français et musulmans. Beaucoup voient un encouragement extrême à la guerre civile dans les mots de Zemour et de Marion Marechal.
Zemur se rend aux urnes et menace d’aller au second tour et d’affronter Emmanuel Macron. Cela profite certainement à Macron – Zemur n’a aucun espoir contre Macron. Mais il reste une figure idiosyncrasique : il n’a pas de parti, pas de programme gouvernemental spécifique et pas d’expérience administrative. Et il manque de charme : il n’est pas beau, ne parle pas agréablement, malgré son éloquence, et devient souvent grossier et injurieux. De plus, sa suffisance et sa mégalomanie sont évidentes – Alors, qu’est-ce qui explique cette popularité?
Première, l’énonciation du mot « masse » donnant l’impression d’une grande vérité. Deuxièmement: son appel à ce que la droite devienne « la droite » trouve un regain d’intérêt chez les conservateurs français qui aspirent à une loi musclée telle qu’elle existait avant 1990. Troisième: la pose de celui qui « sait » compte• qui connaît très bien l’histoire de France et en tire les bonnes conclusions (alors qu’en réalité il n’est doué que pour les dates). Quatrième: beaucoup applaudissent avec soulagement l’agression dont elle fait preuve contre les forces et les mouvements du politiquement correct. Par dessus tout, le slogan travail, famille, patrie séduit les masses• trois idées certes tombées à l’eau en France et qui ont inquiété les citoyens les plus conservateurs.
Zemur aime et utilise la poursuite contre lui : Organisations, personnalités, politiciens, journalistes, tous le calomnient • le poursuivent, le considèrent comme un danger public. Si le débat public était cool, s’il y avait de vrais clashs ici et là, sans procès, sans condamnations, sans privation du droit à la parole, Zemur serait un autre journaliste de droite : aujourd’hui, dans le paysage politique français brumeux, il devient un croisé de la soi-disant authenticité des idées poursuivies.
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