Mai 68 : May à 55 ans – de l’utopie à l’oubli

« La France s’ennuie », déclare Pierre Vianchon-Ponde dans un article du Monde du 15 mars 1968. Les Français n’étaient pas préparés à participer « aux grands bouleversements du monde ». Le Vietnam les a mobilisés mais n’y a pas touché. Conflits en Indonésie, persécutions au Kenya, coup d’État en Grèce, tout a été traité comme une information, rien n’a déclenché de réactions. Les étudiants aux États-Unis, en Allemagne, en Espagne ou encore en Pologne s’indignent, alors qu’en France on ne se soucie que de l’accès gratuit des filles du campus de Nanterre aux dortoirs des garçons. Et pourtant ce dernier détail du tableau politique de l’époque, ostensiblement apothéose de l’apolitique mais en pratique signe d’une exigence claire de liberté physique qui ne s’était pas encore concrétisée, va se déclencher dans quelques semaines de mai 68. . C’est la fermeture de Nanterre, à la suite d’incidents massifs avec la police autour de la question des dortoirs, qui a déplacé l’action étudiante vers la Sorbonne et jeté les bases de l’animation.

C’était quoi exactement Mai 68 ? Au-delà de la symbolique claire et intégrée des manifestations, occupations, barricades, ou de l’accent mis sur la rupture avec le passé dans la rhétorique et les slogans, la stigmatisation politique exacte était et est questionnée dans les interprétations qui s’inscrivent dans la tradition révolutionnaire française. . (De manière significative, en France, après tout, le terme « faits », ce mot neutre, est encore utilisé pour décrire le phénomène.) Un ressentiment omniprésent contre les élites privilégiées, hiérarchiques et insulaires était certainement le dénominateur commun des étudiants révoltés et des ouvriers en grève : La Ve République, comme le note l’éminent historien britannique Tony Judd dans son livre After the War, se caractérise par une concentration excessive du pouvoir dans un nombre limité d’individus et d’institutions. Le cadre réglementaire en a laissé beaucoup suffoquer. Si le langage marxiste a éclipsé l’air du temps, sous la terminologie complexe (sous le slogan « Sous les pavés se trouve une plage de sable », dirait-on) se profilait, du moins pour la jeunesse, « le but de l’éloignement et de l’humiliation du prestige ». Politiquement, ce n’était pas possible : mai s’est terminé par une énorme séquence de buts, juin a apporté à De Gaulle une majorité électorale écrasante. Culturellement, cependant, il y avait un modèle programmatique de transformations des attitudes, des perceptions et des concepts qui seraient clarifiés dans les décennies qui ont suivi. Renouveau des idées, célébration libératrice des émotions, explosion instantanée sans réaction, moment emblématique des années 60 européennes, mythe ou histoire : quelle résonance a Mai 68 dans une autre époque de mécontentement généralisé, que laisse-t-il au XXIe siècle ?

Aglaë Salomon

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