Paris brûle… Macron fait face à la colère de la population. Qu’est-ce que cela signifie pour la France elle-même, mais aussi pour les relations du pays avec Chypre ? Quelle est la relation entre Macron et Christodoulides et comment peut-il contribuer à résoudre le problème chypriote ?
Nous avons discuté de tout cela avec George Kenta, professeur adjoint de relations internationales au Département d’études européennes et de relations internationales de l’Université de Nicosie.
Evoquant les troubles observés dans le pays ces dernières 24 heures, il explique que la France est traditionnellement un pays où l’on voit souvent des mouvements sociaux, des protestations et des manifestations.
« Dans ce domaine, il y a beaucoup de similitudes avec ce qui se passe de manière analogue en Grèce, c’est-à-dire qu’il y a des syndicats forts, des associations professionnelles qui peuvent mobiliser plusieurs masses de personnes. Il s’agit cette fois des retraites, mais les réactions confirment une tendance intemporelle qui prévaut en France. »
Lorsqu’on lui a demandé si la situation actuelle pouvait faire tomber le gouvernement et Macron démissionner, il a écarté cette possibilité.
« Il est possible que Macron perde le soutien à la Chambre et au Sénat, qu’il semble détenir marginalement. »
M. Kentas se veut rassurant sur les estimations de la montée de l’extrême droite dans le pays.
« Il est difficile pour l’extrême droite de se soulever. Le parti de Le Pen a atteint deux fois le second tour de l’élection présidentielle, perdant par de larges marges à chaque fois, une fois face à Chirac et la seconde face à Macron. C’est très difficile de voir Le Pen élu président. »
Chypre et la France ont développé de très bonnes relations, êtes-vous concerné par les récents développements ?
« Nous constatons que l’approfondissement des relations entre Chypre et la France s’est opéré avec des gouvernements de droite, de Chirac à Sarkozy en passant par Macron. Les grandes ouvertures ont été faites principalement pendant Papadopoulos et Macron-Anastasiadis de Chirac-Tasso, ces grandes ouvertures étant faites pour des raisons géopolitiques. La France s’est toujours efforcée d’être présente en Méditerranée orientale et au Moyen-Orient. Dans le passé, c’était un État avec une forte présence et influence, pendant quelques décennies ce n’était pas le cas, mais je dirais que vers la fin de la première décennie du XXIe siècle, la France a élaboré un plan de présence et a maintenant une présence permanente en Méditerranée orientale parce que la France a des intérêts particuliers dans la région.
« Chypre, en tant qu’État qui est un pilier fiable et un partenaire fiable et prévisible, était un bon choix dans les plans de la France, ce que les gouvernements français ont justifié », dit-il.
« La question est de savoir si cette relation est passée dans la conscience bureaucratique de l’État français parce que l’État français a une conséquence à travers la bureaucratie publique. Si cela a été réalisé, cela ne changera pas lorsque Macron quittera le pouvoir, même si la présence de Macron représente une symbolique communicative très forte. En outre, nous notons que la France a commencé à avoir d’autres intérêts qui étaient intemporels et liés au programme d’armement de la République de Chypre. Nous avons une bonne coopération en matière de défense en ce qui concerne les équipements. La France a été l’un des principaux fournisseurs de la République de Chypre en programmes d’armement modernes et cela crée une raison supplémentaire pour la France de vouloir de bonnes relations. »
Se référant au prestige de Macron, il ajoute que la personnalité du dirigeant fait une différence, pas tant que la bureaucratie et l’intérêt politique, mais donne la direction.
Lorsqu’on lui a demandé d’évaluer les relations entre Nikos Christodoulidis et Emmanuel Macron par rapport aux relations des précédentes directions, il a expliqué qu’elles sont bonnes mais doivent encore être approfondies.
« Macron et Christodoulidis sont des politiciens de presque la même génération, bien sûr avec des réalisations différentes, des points de départ différents, mais ce sont deux politiciens de la droite moderne et ils peuvent communiquer à un niveau différent. Bien entendu, ces questions ne sont pas de nature personnelle, d’autres mesures doivent être prises pour renforcer les relations interétatiques sur le plan social, éducatif et culturel.
« Des mesures ont été prises, l’introduction de la langue française dans les écoles, l’école franco-chypriote, des mesures sont prises pour renforcer les liens culturels et éducatifs, ce qui me semble très important », a-t-il poursuivi.
« Le fait que nous soyons actifs dans le sens de la francophonie compte, donc la relation personnelle entre Macron et Christodoulidis a des perspectives d’amélioration et de développement, mais j’investirais plus dans le renforcement institutionnel de la relation que dans l’interpersonnel. »
Evoquant la question chypriote, M. Kentas rappelle qu’il faut « pousser » la France à jouer un rôle moteur dans sa solution.
« Sur la question chypriote, les Français écoutent ce qu’on leur dit et veulent aider, n’oublions pas que la France est membre permanent du Conseil de sécurité, mais traditionnellement la France n’a pas développé un rôle que nous aimerions voir au Conseil de sécurité Conseil dans le processus des Nations Unies. Nous constatons qu’après la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne, les rênes des initiatives et des interventions ne sont pas en France mais en Allemagne, nous devrions donc, sur le plan institutionnel, travailler plus dur pour encourager la France à jouer un rôle de premier plan dans l’Union européenne en ce qui concerne la question chypriote , ce qui est très important. »
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