64% des Français ne font pas confiance à Macron, qui a secrètement décerné la Légion d’honneur à Bezos
Le 16 février 2023 était le cinquième jour de mobilisations syndicales et citoyennes en France contre la contre-réforme du système des retraites, avec une disposition clé portant l’âge de la retraite de 62 à 64 ans. Une contre-réforme que le président Macron et sa Première ministre Elisabeth Bourne jugent « nécessaire » pour faire des économies ; une contre-réforme soutenue politiquement uniquement par les républicains de droite. Au niveau sociétal, la grande majorité des citoyens s’y opposent tout en soutenant grèves et mobilisations. Maintenant, après un débat peu concluant à la Chambre des représentants, le projet de loi du gouvernement a été envoyé au Sénat et le processus se poursuivra avec un examen par un comité mixte (Sénat-Chambre) avant de revenir à nouveau à la Chambre, éventuellement avec des amendements. Certains économistes ont pris une position bien documentée et fondée sur des preuves contre le projet de loi, menée par Thomas Piketty, qui a posé une question clé et rhétorique : « Avec la réforme des retraites, Emmanuel Macron va encore brouiller les temps en se faisant passer pour le président des riches ». » ; Macron a admis la réponse en insistant sur sa réforme.
Il a existé, cependant, confirmant sa caractérisation de « président des riches » et avec une action de plus de sa part. Une action que l’étiquette du palais présidentiel sur les Champs-Élysées a fait en sorte de rester « sous le radar » de l’actualité. Et il a presque réussi. Pourquoi le fait est-il devenu connu avec une semaine de retard … De quoi s’agit-il?
Selon ce qu’écrivait le magazine Le Point du 23 février, une cérémonie très discrète s’est tenue au Palais présidentiel le jeudi 16 du même mois. Une cérémonie au cours de laquelle le président Macron a remis la Légion d’honneur au milliardaire américain fondateur d’Amazon Jeff Bezos. C’est le propriétaire de la quatrième plus grande fortune du monde, qui, selon les calculs à la fin de 2022, s’élève à 111,3 milliards de dollars. Comme pour les récompenses de cette nature, il s’agissait d’une cérémonie planifiée de nombreuses semaines à l’avance… Selon le magazine, la cérémonie ne figurait pas au programme officiel de Macron, qui est publié quotidiennement. Par conséquent, elle n’a été accompagnée d’aucune annonce officielle ni avant ni après sa mise en place… « Le palais présidentiel craignait-il un parallèle le jour même où des milliers de manifestants manifestaient contre la réforme des retraites ? écrit le magazine, ajoutant que la cérémonie et la réception n’ont été suivies que par quelques invités strictement sélectionnés : quelques personnalités et de grands hommes d’affaires. De son côté, le vénérable Jeff Bezos avait invité Bernard Arnault, propriétaire du groupe LVMH, qui selon le magazine Forbes se classe premier parmi les riches avec une fortune de 184,7 milliards de dollars. Une photo montre Bezos sur une chaise, vêtu d’un costume crème et d’une cravate rouge. Il est devenu l’un des 300 étrangers qui reçoivent chaque année cette médaille spéciale du président français. La nouvelle de cette récompense, qui n’est finalement pas restée secrète, comme le souhaitait le milieu présidentiel, a provoqué la réaction violente attendue des partis de gauche.
« Emmanuel Macron décerne la Légion d’honneur à Jeff Bezos, exploiteur mondial et roi de l’évasion fiscale », a écrit le secrétaire national du PCC, Fabien Roussel. « La doctrine du président : il punit tous les Français, il récompense les milliardaires », a-t-il ajouté. Les réactions des députés de la France insoumise ont également été violentes. « Bravo Jeff Bezos ! Alors que nous protestions contre la réforme des retraites dont il faisait la promotion, Macron vous a stigmatisé au nom de la France pour avoir évité des milliards d’impôts, pour avoir détruit la planète, pour avoir espionné vos employés », a écrit la députée européenne Leila Saibi. Tandis que son collègue, le représentant Bastien Lasso, tweetait : « Le président de la République rabaisse Jeff Bezos, partisan de l’évasion fiscale, destructeur d’emplois et de nature. Plus que jamais président des riches ! » « Juste et toujours, tout pour les riches, rien pour le peuple ! », a écrit le député français insoumis François Piquemal.
Le mauvais timing dans ce cas particulier est une erreur politique. Et de grande taille. Une récompense loin d’être politiquement neutre à l’heure où la cote de popularité de Macron baisse et où l’image du « président des riches » se renforce… Selon la dernière enquête d’opinion commandée par le journal conservateur Le Figaro, d’ici un mois l’indice de confiance en La personne de Macron a perdu 5 points. « Mais ce qui devrait inquiéter le président, c’est que 64 % des Français ne lui font pas confiance. C’est le pourcentage le plus élevé depuis qu’il a été réélu. 41 %, soit six points de plus que la dernière mesure, ne lui font pas du tout confiance », note le journal.
L’environnement présidentiel, pour sa part, blâme le prédécesseur de Macron, soulignant que la décision pertinente de pardonner à Bezos a été prise par un autre président. Au moins. Mais le choix de la date ? Cela a été choisi en fonction de l’agenda non pas du président français mais du… milliardaire (!) qui avait choisi d’être à Paris avec sa famille ces jours-ci. Cette seule excuse en dit long sur la relation entre les politiciens et les grandes entreprises en général, et la relation entre Macron et Bezos en particulier.
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