Alors que l’approbation du glyphosate expire à la mi-décembre, la Commission européenne a proposé aux États membres de prolonger de dix ans l’approbation de cet herbicide controversé dans l’UE. Cette position, publiée dans site web sera discuté lors d’une réunion technique le vendredi 22 septembre à Bruxelles avant un vote le 13 octobre.
L’autorisation actuelle du glyphosate dans l’Union européenne, qui a été prolongée de cinq ans en 2017, a expiré le 15 décembre 2022. Elle a toutefois été prolongée d’un an dans l’attente d’une évaluation scientifique de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA). Dans un communiqué publié en juillet 2023, l’agence affirme n’avoir identifié aucun « domaine de préoccupation critique » chez les personnes, les animaux et l’environnement qui pourrait entraver l’approbation de l’herbicide.
La Commission propose donc d’autoriser l’herbicide jusqu’au 15 décembre 2033, une période deux fois plus longue que l’autorisation précédente mais plus courte que la période initialement prévue de 15 ans. Le feu vert peut être révisé à tout moment si de nouveaux avis le justifient.
Risques et mesures de protection
Le glyphosate, l’ingrédient actif de nombreux herbicides – dont le Roundup de Monsanto, largement utilisé dans le monde – a été classé en 2015 comme « probablement cancérigène » pour l’homme par le Centre international de recherche sur le cancer de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). En 2021, l’Institut national de la santé et de la recherche médicale de France (Inserm) estimait également que des études scientifiques publiées sur le sujet confirmaient un lien entre l’exposition aux pesticides et six pathologies touchant le cerveau (maladie de Parkinson), les poumons (bronchite chronique) ou d’autres maladies affectant la prostate et le système immunitaire, avec risque de développer un cancer.
Toutefois, afin de limiter les risques sanitaires, la Commission recommande la mise en place de certaines mesures de protection. Par exemple, l’installation de « zones tampons » de cinq à dix mètres de long et de dispositifs destinés à réduire la « propagation des pulvérisations ». Le recours au séchage (application pour sécher une culture avant la récolte) est désormais interdit. La Commission recommande également aux États de prêter attention aux autres ingrédients des herbicides à base de glyphosate commercialisés dans chaque pays afin de limiter les risques liés à l’effet « cocktail » de certains produits.
Dimension des vues
Pour ratifier sa proposition, la Commission européenne doit atteindre une « majorité qualifiée » : cela signifie que les États votant pour doivent représenter au moins 65 % de la population européenne. Il est peu probable que des pays comme la France abandonnent son utilisation. Après le changement d’avis d’Emmanuel Macron, qui avait promis d’abandonner le glyphosate en 2017, le gouvernement a décidé de limiter l’utilisation d’herbicides aux seuls cas où il n’existe pas d’alternative viable.
Cependant, l’Allemagne pourrait voter contre cette prolongation sur la base de l’accord de la coalition au pouvoir qui appelle à une interdiction du glyphosate sur le sol allemand à partir de 2024. Avec sa proposition, la Commission s’oppose aux exigences de l’Allemagne. « Comme on ne peut exclure que le glyphosate affecte la biodiversité, son autorisation dans l’UE devrait expirer », a déclaré le ministre allemand de l’Agriculture Cem Özdemir (Verts). Une flore et une faune diversifiées et intactes sont la condition préalable à des récoltes sûres, a-t-il déclaré. L’entreprise chimique agricole Bayer, quant à elle, a accueilli favorablement le projet de règlement.
Qu’est-ce que le glyphosate ?
Le glyphosate est un herbicide dit total, c’est-à-dire qu’il affecte toutes les plantes vertes. Le principe actif bloque une enzyme dont les plantes ont besoin pour produire des acides aminés vitaux, mais que l’on retrouve également dans les champignons et les micro-organismes. Là où tombe le glyphosate, aucune autre graminée, herbe, arbuste ou mousse ne pousse. Cela signifie que les terres arables peuvent être débarrassées des mauvaises herbes avant ou peu de temps après le semis et à nouveau après la récolte. Pour les cultures génétiquement modifiées dont la croissance n’est pas affectée par le glyphosate, le produit peut également être utilisé dans des champs déjà plantés.
Le principe actif, développé par la société américaine Monsanto, a été approuvé pour la première fois en 1974. Le brevet a expiré en 2000 et depuis lors, des produits contenant du glyphosate ont été proposés par de nombreux autres fabricants à des prix raisonnables. Les scientifiques soulignent que même si le glyphosate peut être partiellement remplacé par d’autres principes actifs, un simple remplacement n’est pas la solution : la quantité d’herbicides et autres pesticides utilisés doit généralement être considérablement réduite.
Selon une analyse présentée en juin, les entreprises ont caché les résultats des tests aux autorités européennes lors de l’approbation des pesticides. Les chercheurs de l’Université de Stockholm ont écrit dans la revue « Environmental Health » sur les études visant à déterminer si les principes actifs peuvent endommager le système nerveux en développement (DNT – Developmental Neurotoxicity). Une étude de 2001 sur les effets neurotoxiques de l’ingrédient actif (glyphosate trimésium) n’a jamais été soumise aux régulateurs de l’UE pour examen. Les résultats de certaines analyses pertinentes peuvent avoir influencé le processus d’approbation.
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